La loi porte sur les polices municipales, les sociétés de sécurité privées, les outils de surveillance (caméras piétons, vidéo protection…) et la protection des forces de l’ordre. Elle a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel, notamment son article 52 créant un délit de provocation à l’identification de policiers.
La loi a été largement modifiée et complétée en première lecture par les parlementaires et le gouvernement. Elle a été renommée en “loi pour une sécurité globale préservant les libertés”.
Ses deux premières parties traitent des polices municipales et du secteur de la sécurité privée. Elle reprennent plusieurs préconisation du rapport d’un Continuum de sécurité vers une sécurité globale, remis au gouvernement en 2018 par les députés à l’origine de la proposition de loi, Alice THOUROT et Jean-Michel FAUVERGUE. Le concept de sécurité globale repose sur l’idée qu’il convient de mieux articuler le travail entre la police et la gendarmerie, la police municipale et le secteur de la sécurité privée.
I. Les pouvoirs des polices municipales
Le texte facilite la mutualisation entre les communes des policiers municipaux (ou des gardes champêtres) et crée un cadre légal pour doter Paris d’une police municipale en 2026. Un amendement du Sénat instaure un conseil parisien de sécurité afin d’associer les maires d’arrondissement aux grandes orientations de la police municipale parisienne.
Les parlementaires ont, en outre, renforcé l’information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur leur commune, notamment s’agissant des classements sans suite.
Le texte voté par le Parlement prévoyait une expérimentation sur cinq ans dans le domaine de la police municipale. Cette expérimentation permettait à certaines polices municipales d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle (pour constater la vente à la sauvette, la conduite sans permis ou sans assurance, la consommation de stupéfiants…). Toutefois, cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel.
II. La vidéo protection, les drones, les herses et stop sticks etc…
- La vidéo protection:
Les services pouvant visionner les images de vidéo protection sont élargis. Les polices municipales peuvent visionner les images tirées des caméras aux abords des commerces. Le Sénat a introduit plusieurs garanties techniques sur ce point. De son côté le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation : les polices municipales ne peuvent accéder qu’aux systèmes de vidéo protection mis en œuvre dans leur commune ou leur intercommunalité.
- Les drones:
Le régime juridique de l’usage des drones par les forces de l’ordre, aujourd’hui pratiqué en l’absence de cadre clair, est défini : cas de recours aux drones et garanties posées. Sur amendement du gouvernement, à titre expérimental pour cinq ans, les policiers municipaux peuvent également recourir à des drones pour “assurer l’exécution des arrêtés de police du maire”.
- Les herses et stop sticks:
Jusqu’à présent il n’y avait pas de base juridique permettant aux services de police municipale de s’équiper en matériels d’immobilisation des véhicules.
Le nouvel article L.511-4-1 du CSI dispose que « les agents de police municipale, revêtus de leurs uniformes, peuvent faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport » (article 18 de la loi).
Les usages sont identiques que pour les forces de l’ordre étatiques (article L.214-2 du CSI).
Ces matériels doivent être conformes à des normes techniques définies par l’arrêté du 10 juillet 2017. Chaque matériel doit être accompagné d’une notice précisant les caractéristiques, les conditions et limites d’emploi.
Cette mesure n’est pas valable pour les gardes-champêtres.
- Convention de coordination:
Alors qu’il était envisagé un temps de rendre obligatoire la convention de coordination dès la création d’un service de police municipale et le recrutement d’un seul agent, cette obligation a été abandonnée. Le seuil de 3 agents non armés reste donc applicable (auquel il faut ajouter les autres situations : dès un agent armé ou si travail régulier de nuit ou port d’une caméra individuelle). Il est mentionné à l’article L.512-6 du CSI que la convention précise, après réalisation d’un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles est confronté le territoire, les missions complémentaires prioritaires confiées aux agents police municipale. Le DLS est donc imposé par la loi et non plus seulement dans le modèle de convention (annexe de la partie réglementaire du CSI).
- Filtrage de l’accès lors des manifestations:
Affectés sur décision du maire à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle, les agents de police municipale peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille voire à des palpations de sécurité avec l’accord exprès, à la condition que la manifestation accueille au minimum 300 personnes (article L511-1 alinéa 6). Le renvoi à l’article L.613-3 du CSI fixant cette jauge est supprimée.
Désormais les agents de police municipale peuvent procéder au filtrage lors de toutes les manifestations, hors bâtiment communal (puisque sur ce point, il n’y avait plus de jauge depuis 2017), réduisant ainsi le recours à la sécurité privée.
- Multiplier les contrôles des services:
La Commission Consultative des Polices Municipales n’a plus à donner un avis lors d’une demande de contrôle par le maire ou le préfet d’un service de police municipale (article 13 de la loi). Le gouvernement espère par ce biais, mettre en place des programmes annuels de contrôles, sans doute à l’initiative des préfets, de plusieurs services de police municipale. Les conclusions de ces contrôles, s’ils étaient diffusés, permettraient d’apporter des éléments de gestion (bonnes ou mauvaises pratiques) à l’ensemble des services.
Il est précisé par ailleurs dans l’article L.514-1 que la commission consultative traite de tous les sujets concernant les polices municipales, à l’exception du statut des agents (article 15 de la loi).
- Ivresse Publique et Manifeste (IPM)
C’est une loi du 23 janvier 1873 qui organise la répression de l’ivresse publique et manifeste. Ce sont les forces de l’ordre qui sont en charge de l’interpellation et doivent établir l’ivresse de la personne de manière précise au regard de sa façon de se déplacer, de son élocution ou de son regard (pas de taux d’alcoolémie prévu pour cette infraction). Progressivement, suite à des accidents voire des décès dans les cellules de dégrisement, a été mis en place un examen médical préalable au placement en cellule. Jusqu’à présent, si l’on s’en tient à une lecture stricte du texte, seules les forces de l’ordre étatiques étaient concernées par la conduite vers un local de police ou de gendarmerie.
Désormais avec la modification de l’article L.3341-1 du code de la santé publique par l’article 5 de la loi, les policiers municipaux et les gardes champêtres peuvent, après avoir fait procéder à un examen médical, conduire la personne au local de police ou de gendarmerie le plus proche. Il est précisé que la garde de la personne en état d’ivresse est confiée aux policiers et gendarmes nationaux et que le transport auprès d’un médecin est autorisé même hors commune.
En pratique, de nombreux services de police municipale opéraient déjà ce transport, généralement avec précision dans la convention de coordination et/ou sur ordre d’un officier de police judiciaire. Désormais, ils sont mentionnés officiellement pour mener cette opération. Il est à noter que le législateur n’est pas allé jusqu’à leur permettre de relever par procès-verbal cette contravention de 2e classe…
- Engagement de servir renforcé
Cet article prévoit la possibilité pour la commune ou l’EPCI prenant en charge la formation du fonctionnaire, de lui imposer un engagement de servir, pour une durée maximale de 3 ans à compter de la date de sa titularisation (nouvel article L.412-57 du code des communes). Cela concerne tout agent des cadres d’emploi de la police municipale. Il s’agit bien d’une possibilité et non d’une obligation. Avec un tel engagement, si l’agent décide de partir de sa collectivité avant le terme fixé, il sera tenu de rembourser une somme correspondant au coût de sa formation. Un décret doit déterminer les conditions d’application de cette disposition et en particulier les modalités de calcul de la somme réclamée.
Des dispenses sont possibles pour motif impérieux, à l’initiative de l’autorité d’emploi et pour tout ou partie de la somme à rembourser (état de santé, nécessité d’ordre familial…). Si l’exemption porte sur la totalité du remboursement, il est fait application des dispositions de l’article 51 (alinéa 2) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, c’est-à-dire, en cas de mutation, le versement par la collectivité d’accueil à la collectivité d’origine, d’une indemnité couvrant la rémunération perçue par l’agent pendant le temps de formation et le cas échéant, le coût de toute formation complémentaire suivie par l’agent au cours des trois années.
- La protection des agents
Si le très médiatique article 24 de la loi, devenu l’article 52, a été censuré par le Conseil Constitutionnel (décision du 20 mars 2021, points 158 à 164), il reste une autre mesure de protection juridique.
Si les conditions d’octroi sont réunies, la protection fonctionnelle est en principe accordée dans un nombre limité de situations : lors d’une garde à vue, de la comparution comme témoin assisté, dans le cadre d’une composition pénale, de la mise en examen, de la citation directe ou de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La simple audition ou convocation par la police ou la gendarmerie ne permet pas l’octroi de la protection fonctionnelle. Désormais, avec l’article 56 de la loi, l’article L.113-1 du CSI prévoit que la protection fonctionnelle peut-être également accordée dans le cadre de l’audition libre. Un policier, y compris municipal, ou un gendarme pourra bénéficier de la protection fonctionnelle même s’il est entendu en tant que simple témoin.
En outre, si les proches de policiers nationaux, de gendarmes ou de toute personne dépositaire de l’autorité publique (dont font partie les agents de police municipale) sont victimes d’embuscades (article 222-15-1 du code pénal) ou de violences en bande organisée avec armes (article 222-14-1 du code pénal), les peines encourues sont aggravées comme si le fonctionnaire était lui-même victime (article 51 de la loi).